Veille juridique
CE, 20 décembre 2019, n°428290 | Critère relatif au nombre d’emplois locaux – Régularité. Un critère ou un sous-critère relatif au nombre d’emplois locaux dont la création sera induite par la gestion et l’exploitation d’un port, lequel est une infrastructure concourant notamment au développement de l’économie locale, doit être regardé comme en lien direct avec les conditions d’exécution du contrat de délégation de la gestion de ce port. A condition qu’il ne soit pas discriminatoire, ce critère peut permettre de contribuer au choix de l’offre présentant un avantage économique global pour l’autorité concédante. |
CE, 18 décembre 2019, n°431696 | Régime dérogatoire applicable aux marchés de défense et de sécurité. Seuls les achats, par l’Etat ou ses établissements publics, pour les besoins de la défense ou de la sécurité nationale, d’équipements conçus ou adaptés à des fins spécifiquement militaires, sont soumis à des exigences particulières justifiant le régime dérogatoire applicable aux marchés de défense et de sécurité. Le fait qu’un marché porte sur la fourniture de matériels pouvant être caractérisés « d’équipements militaires » (au sens de la directive 2009/81/CE du 13 juillet 2009 et de la décision CE, 15 avril 1958, n°255/58) ne suffit pas, à elle seule, pour le qualifier de marché de défense et de sécurité. |
Formulation des spécifications techniques. Les spécifications techniques ne peuvent avoir pour effet d’exclure irrégulièrement a priori certains opérateurs, à moins qu’elles soient justifiées par l’objet du marché. En l’espèce, le cahier des clauses techniques particulières prévoyait que les pistolets à fournir devaient être conformes aux « 28 spécifications techniques principales » et certaines d’entre elles étaient irrégulières, comme « l’absence de pédale de sûreté à l’arrière de la poignée », car elles avaient pour effet d’exclure irrégulièrement a priori certains opérateurs et n’étaient pas justifiées par le marché. |
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Tribunal des conflits, 9 décembre 2019, C4164 | Participation à l’exécution de travaux publics. Un litige né de la conclusion d’un contrat entre deux personnes de droit privé ne peut emporter la compétence du juge administratif dès lors que : – Il n’a pas pour objet l’exécution d’un service public ; – Il ne comporte aucune clause, qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, impliquerait, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs ; – Aucune des parties au contrat ne participe à une opération de travaux publics. En l’espèce, le fait que le contrat de droit privé conclu consiste à acheminer de la marchandise pour l’exécution de tels travaux n’a pas en elle-même d’incidence sur la nature du contrat. |
Tribunal des conflits, 9 décembre 2019, C4169 | Litiges relatifs à la propriété intellectuelle. Lorsqu’un un tiers au contrat conteste la validité d’un marché public devant la juridiction administrative, celle-ci n’a pas compétence pour se prononcer sur le moyen tiré de l’irrégularité de l’offre de la société attributaire du marché, en tant qu’elle porterait atteinte aux droits de propriété intellectuelle. Elle ne peut statuer qu’après la décision du TGI compétent, saisi à titre préjudiciel sur l’existence de la contrefaçon, dès lors que la contestation est sérieuse et sous réserve que cette appréciation soit nécessaire à la solution du litige. La juridiction administrative est, en revanche, seule compétente pour se prononcer sur les autres moyens d’annulation et, si elle constate l’existence de vices entachant la validité du contrat, pour en apprécier l’importance et les conséquences. |
CE, 2 décembre 2019, n°422307 | Dépassement des sommes dues au sous-traitant. Il incombe au MOA, lorsqu’il a connaissance de l’exécution, par le sous-traitant, de prestations excédant celles prévues par l’acte spécial et conduisant au dépassement du montant maximum des sommes à lui verser par paiement direct, de mettre en demeure le titulaire du marché ou le sous-traitant de prendre toute mesure utile pour mettre fin à cette situation pour la régulariser, à charge pour le titulaire, le cas échéant, de solliciter la modification de l’exemplaire unique ou du certificat de cessibilité et celle de l’acte spécial afin de tenir compte d’une nouvelle répartition des prestations avec le sous-traitant. La responsabilité de l’acheteur est toutefois atténuée par la faute commise par l’entrepreneur principal, qui a négligé de soumettre à l’agrément de l’acheteur les conditions de paiement du sous-traitant pour les prestations en cause, et par le sous-traitant, qui a poursuivi l’exécution des prestations au-delà du montant maximum fixé par l’acte spécial sans s’assurer que sa situation était régularisée. |
CE, 2 décembre 2019, n°423544 | Garantie du maître d’œuvre. Le CE confirme son arrêt en date du 20 décembre 2017, selon lequel le maître d’œuvre d’une opération de travaux peut être condamné en garantie du MOA si ce dernier doit indemniser une entreprise de travaux ayant du réaliser des prestations supplémentaires, et cela dans deux cas : – Lorsque la nécessité de procéder à ces prestations est apparue postérieurement à la passation du marché, en raison d’une mauvaise évaluation initiale par le MOE, et que le MOA aurait renoncé à son projet ou l’aurait modifié s’il en avait été avisé en temps utile. – Lorsque, en raison d’une faute du MOE dans la conception de l’ouvrage ou dans le suivi de travaux, le montant de l’ensemble des travaux qui ont été indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art est supérieur au coût qui aurait dû être celui de l’ouvrage si le MOE n’avait commis aucune faute, à hauteur de la différence entre ces deux montants. |
CE, 2 décembre 2019, n°422615 | Pénalités – Groupement conjoint mandataire commun. Le maître d’ouvrage est responsable de la liquidation du montant global des pénalités de retard dues par l’ensemble des entreprises. Toutefois, seul le mandataire commun est chargé de donner les indications sur la répartition des pénalités entre les membres du groupement. Le MOA est tenu de se conformer à ces indications, il ne peut se substituer au mandataire. En cas d’inaction du mandataire commun, le MOA est tenu de lui imputer la totalité des pénalités et ne peut les imputer à une autre entreprise, sauf si le mandataire est dans l’impossibilité de recouvrir effectivement le montant des pénalités. |
CE, 2 décembre 2019, n°423936 | Manque à gagner – Reconduction. Lorsqu’une entreprise a droit à l’indemnisation de son manque à gagner du fait de son éviction irrégulière à l’attribution d’un marché, le juge doit apprécier le caractère certain de ce manque. Toutefois, dans le cas où le marché est reconductible, le manque à gagner revêt un tel caractère uniquement sur la période d’exécution initiale du contrat (en l’espèce 12 mois), et non sur les périodes ultérieures qui ne résultent que d’éventuelles reconductions (en l’espèce, 2 reconductions éventuelles de 12 mois). |
CE, 27 novembre 2019, n°422600 | Mémoire de réclamation – Résiliation unilatérale – Décompte de liquidation. A l’occasion d’une résiliation unilatérale, l’arrêt, par l’acheteur, du décompte de liquidation dans le délai qui lui est imparti, fait naître le différend et courir le délai opposable au titulaire pour former une réclamation, au sens des dispositions de l’article 37 du CCAG-FCS. A l’inverse, si l’acheteur s’abstient d’arrêter le décompte de liquidation, les dispositions relatives à la naissance du différend et au délai pour former une réclamation ne peuvent être opposées au Titulaire, qui peut saisir le juge à la seule condition d’avoir présenté au préalable un mémoire de réclamation et s’être heurté à une décision de rejet. |
CE, 27 novembre 2019, n°432996 | Modification DCE – Concessions. Lorsqu’un pouvoir adjudicateur modifie le DCE en cours de consultation, il doit en informer l’ensemble des opérateurs économiques, candidats admis à présenter une offre ou à tous les soumissionnaires et doit leur laisser un délai suffisant pour remettre leurs candidatures ou leurs offres. Le délai suffisant accordé aux soumissionnaires est apprécié au regard de la nature et de la portée de la modification (en l’espèce 9 jours, pour une modification non substantielle et d’ordre matériel était suffisant). |
CAA Bordeaux, Formation plénière, 30 décembre 2019, 19BX03235 | Transaction. L’article 2048 du code civil a pour seul objet de préciser que les transactions n’ont d’effet qu’au regard des différends auxquelles elles mettent fin. Ainsi, est suffisamment précis l’accord qui indique le différend qu’il entend résoudre dans son préambule et dans ses stipulations. Par ailleurs, celui-ci indiquait une mention à caractère général, selon laquelle il solde définitivement toute forme de litige qui a pu opposer les contractants et apparu antérieurement à la transaction. |
Modification d’un marché de travaux en cours d’exécution. Un marché public peut notamment être modifié lorsque le montant des modifications est inférieur au seuil européen publié au JO et à 15% du montant du marché initial pour les marchés publics de travaux. Toutefois, lorsqu’une part des prestations a été résiliée (en l’espèce via un avenant transactionnel), le pourcentage de 15% doit être calculé par rapport au montant total de la part non résiliée du marché initial. | |
CAA Nancy, 27 décembre 2019, n°18NC00396 | Rappel et interprétation des principes de la responsabilité décennale. Il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d’épreuve de dix ans de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s’ils ne sont pas révélés dans toute leur étendue avant l’expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du MOA, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n’apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables. En l’espèce, les désordres affectant les volets roulants, bloqués soit en position haute, soit en position basse, soit à mi-hauteur ou de biais, sont de nature à rendre le bâtiment de soins de suite impropre à sa destination (régulation thermique du bâtiment, régulation des flux lumineux, gêne occasionnée pour les patients, etc.) Par ailleurs, les désordres sont attribuer à l’absence de prise en compte, par les constructeur de certaines particularités de la façade du bâtiment. Leur responsabilité peut donc être engagée sur le fondement des principes régissant la garantie décennale. |
CAA Bordeaux, 12 décembre 2019, n°17BX02138 | Responsabilité décennale en cas de travaux de reprise. Le fait pour un pouvoir adjudicateur de faire effectuer des travaux de reprise, suite à l’apparition de désordres (infiltrations d’eau) ne met pas fin à la garantie décennale du constructeur ayant effectué les premiers travaux. En effet, si, à la suite des travaux de reprise, des désordres peuvent sont constatés, la responsabilité décennale du premier constructeur peut toujours être engagée dès lors que ces désordres trouvent leur origine dans les travaux qu’il a exécutés. |
Exonération de la responsabilité décennale – Faute du pouvoir adjudicateur. Lorsqu’il est établi que le pouvoir adjudicateur a commis une faute ayant conduit à tout ou partie de la survenance du désordre, le constructeur peut se voir exonérer de sa responsabilité décennale, à hauteur de la faute commise par le pouvoir adjudicateur. | |
Désordres esthétiques. Des traces d’humidité sur les murs et des infiltrations d’eau au droit du joint de parois moulées présent un caractère inesthétique, du fait de la présence de coulures d’eau formant des concrétions sur les parois, mais ne sont pas de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou de le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible. Dès lors, ces dommages ne sont pas de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs. | |
CAA Bordeaux, 3 décembre 2019, n°17BX03870 | Dommage subi par un tiers – Conditions d’engagement de la responsabilité décennale. La fin des rapports contractuels entre le MOA et l’entrepreneur, consécutive à la réception sans réserve d’un marché de travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, l’entrepreneur soit ultérieurement appelé en garantie par le MOA pour des des dommages dont un tiers demande réparation à ce dernier, alors même que ces dommages n’étaient ni apparents, ni connus à la date de la réception. Toutefois, si le dommage subi par le tiers trouve directement son origine dans des désordres affectant l’ouvrage objet du marché, la responsabilité de l’entrepreneur envers le MOA peut être recherchée sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs. Tel n’est pas le cas lorsque les ouvrages, objet du marché et conduisant au dommage, ne subissent aucun désordre et continuent à être utilisés conformément à leur destination. |
Responsabilité partagée entre le MOE, le constructeur et le pouvoir adjudicateur. Les désordres survenant à la suite de la réalisation de travaux peuvent engager la responsabilité du pouvoir adjudicateur, du maître d’oeuvre des travaux et du constructeur. Cela est notamment le cas lorsqu’un oubli dans le cahier des charges (l’étanchéité de la jardinière) a conduit à des désordres, ce qui caractérise un défaut de conception imputable au MOE chargé de la conception du projet, ainsi qu’un manquement du constructeur à son devoir de conseil lors de la réalisation des travaux, et un manque de vigilance des services techniques du pouvoir adjudicateur lors de la définition et la conception du projet. |