Une participation privée au capital exclut, en principe, toute relation de quasi-régie

Code : Commande Publique

 

DAJ 2019 – Les contrats conclus entre entités appartenant au secteur public

Une participation privée au capital exclut, en principe, toute relation de quasi-régie

Les contrats conclus par les pouvoirs adjudicateurs avec des sociétés dont le capital est détenu au moins pour partie par des actionnaires privés sont, en principe, exclus de la qualification de contrats de quasi-régie et entrent dans le champ d’application du droit de la commande publique25 .

Le code de la commande publique reprend l’assouplissement introduit dans les ordonnances marchés publics et concessions s’agissant de l’interdiction de participations directes de capitaux privés au sein de l’entité contrôlée.

Les participations de capitaux privés peuvent en effet être admises dès lors que les conditions cumulatives suivantes sont réunies :
 Les capitaux privés ne doivent conférer aucune capacité de contrôle ou de blocage des décisions de l’entité ;
 Ces formes de participations de capitaux privés sont requises par une législation nationale ;
 L’actionnaire privé ne peut exercer une influence sur l’entité contrôlée26 . Cette condition, très encadrée, constitue une atténuation à l’interdiction jurisprudentielle de participation directe de capitaux privés dans le capital de l’entité contrôlée27 .

Dans l’hypothèse où la participation d’opérateurs économiques privés dans le capital de la personne morale contrôlée serait « rendue obligatoire par une disposition législative nationale en conformité avec les traités » 28 , l’absence de capacité de contrôle ou de blocage de l’entité contrôlée devra s’apprécier in concreto afin de s’assurer notamment que les statuts de l’entité ne confèrent pas de droits de vote particuliers.

Focus sur la présence de capitaux privés au sein de l’entité contrôlée

Le seul fait que la société contrôlée soit constituée avec la participation de capitaux privés en application de la loi, par exemple, sous la forme d’une société d’économie mixte (SEM) ne suffit pas à considérer que la loi requiert que son capital soit mixte au sens des dispositions du code de la commande publique29 .
Si la législation française applicable à ce type de sociétés prévoit bien la participation de capitaux privés, cette seule exigence de participation de capitaux privés ne suffit néanmoins pas à remplir le critère de l’exception de quasi-régie. En effet, le sens de cette participation obligatoire est précisé au considérant 32 de la directive 2014/24/UE. Celui-ci indique que l’exception de quasi-régie n’est établie que dans les cas de participation obligatoire d’opérateurs économiques privés spécifiques au capital de la personne morale contrôlée.
L’exigence légale d’une présence d’actionnaires privés au capital des SEM ne remplit pas en tant que telle l’exigence d’adhésion obligatoire d’opérateurs économiques privés spécifiques : en effet, n’importe quel opérateur économique privé peut devenir actionnaire minoritaire d’une SEM.
Ensuite, quand bien même le législateur imposerait la création d’une société avec la participation de capitaux privés détenus par des opérateurs économiques spécifiques au sens du considérant 32 susmentionnés, il doit également être démontré que la présence de capitaux privés ne confère aucune capacité de contrôle ou de blocage et ne permet d’exercer aucune influence décisive. Les actionnaires minoritaires spécifiques obligatoires ne doivent donc pas détenir eux-mêmes la minorité de blocage.
A fortiori, il ne peut y avoir de relation de quasi-régie avec une entité dans laquelle des sociétés privées sont actionnaires majoritaires du capital. Dans une telle configuration, contrairement à l’hypothèse n° 1 du logigramme « les contrats de quasi-régie », le pouvoir adjudicateur de contrôle (à savoir la collectivité territoriale actionnaire dans l’exemple des SEM) ne peut, sans publicité ni mise en concurrence préalables, attribuer un marché public à l’entité comportant des capitaux privés (dans cet exemple, la SEM).
Il en va différemment lorsque c’est le pouvoir adjudicateur de contrôle (SEM ayant la qualité de pouvoir adjudicateur) qui comporte en son sein des capitaux privés et que les seuls capitaux privés présents dans le capital de l’entité dont on recherche si elle est une entité contrôlée en situation de quasi régie sont précisément ceux de ce pouvoir adjudicateur. Dans une telle hypothèse, rien n’interdit au pouvoir adjudicateur (la SEM dans cet exemple) d’entretenir une relation de quasi-régie avec l’entité qu’il contrôle (une filiale, dans ce même exemple), dans les conditions posées par les articles précités relatives au contrôle et à l’exclusivité de la destination de l’activité. En effet, le 3° de l’article L. 2511-1 du code de la commande publique précise qu’en toute hypothèse, cette condition doit être appréciée non pas par rapport à la composition du capital des entités de contrôle, mais au regard du capital de l’entité contrôlée30 .
En résumé, il n’est pas possible de reconnaître que la relation entre une collectivité territoriale actionnaire et une SEM remplit systématiquement les critères de quasi-régie. Toutefois, l’éventuelle présence de capitaux privés au sein d’un pouvoir adjudicateur n’obère pas la possibilité de reconnaître, au cas par cas, une relation de quasi-régie entre ce pouvoir adjudicateur à capitaux privés minoritaires et une entité qu’elle contrôlerait31 et 32 . Ainsi, une SEM peut être en quasi-régie avec une de ses filiales. La présence de capitaux privés au sein de la SEM n’y fait pas obstacle.

Enfin, la simple possibilité pour des personnes privées de participer à l’avenir au capital de l’entité ne suffit pas pour conclure que la condition relative au contrôle de l’autorité publique sur l’entité n’est pas remplie, tant que le capital n’est pas ouvert et demeure entièrement public.

En tout état de cause, si une situation de quasi-régie devait être remise en cause par l’entrée au capital d’une personne privée pendant la durée d’exécution du marché, le pouvoir adjudicateur de contrôle devrait constater la fin de la relation de quasi-régie, résilier le marché public ou le contrat de concession et procéder à une remise en concurrence33 .

Ainsi, dès lors que les conditions de la quasi-régie sont satisfaites, le titre II du Livre IV de la deuxième partie du code relative aux marchés publics ne mentionnant pas les règles relatives à la préparation et à la passation des marchés publics parmi celles applicables et le titre II du livre II de la troisième partie du code relative aux contrats de concession excluant expressément leur application à l’article L. 3221-1 du code, le pouvoir adjudicateur est autorisé à conclure un marché public ou un contrat de concession avec l’entité contrôlée en dehors de toute mesure de publicité et de mise en concurrence.

Outre l’hypothèse d’une relation de quasi-régie simple descendante34, la passation d’un tel contrat de gré à gré est désormais possible :
 lorsqu’une personne morale contrôlée, qui est elle-même un pouvoir adjudicateur, confie la réalisation de prestations au pouvoir adjudicateur qui la contrôle35 ;
 lorsqu’un pouvoir adjudicateur confie la réalisation de prestations à une personne morale contrôlée par une entité intermédiaire, qui est elle-même contrôlée par le pouvoir adjudicateur36 ;
 lorsqu’un ensemble de pouvoirs adjudicateurs confient la réalisation de prestations à une personne morale contrôlée conjointement par eux37 ;
 lorsqu’une personne morale contrôlée conjointement, qui est elle-même un pouvoir adjudicateur, confie la réalisation de prestations à un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs qui la contrôlent38 ;
 lorsqu’une entité contrôlée, qui est elle-même un pouvoir adjudicateur, confie la réalisation de prestation à une personne morale contrôlée par un même pouvoir adjudicateur39 .

Ces différentes hypothèses de quasi-régie sont présentées en annexe à la présente fiche.

 

25 CJUE, 11 janvier 2005 Stadt Halle, Aff. C-26/03 point 49, CJUE, 21 juillet 2005, CONAME, Aff. C-231/03, pt. 26 ; CJUE, 6 avril 2006, ANAV, Aff. C-410/04, pt. 30. 26 3° des Art. L. 2511-1, L. 2511-2 et L. 2511-3 du code de la commande publique pour les marchés publics et 3° des Art L. 3211-1, L. 3211-2, L. 3211-3 du code de la commande publique pour les contrats de concession. 27 Auparavant, la Cour de justice considérait que la participation, fût-elle minoritaire, d’une entreprise privée dans le capital d’une société à laquelle participe également le pouvoir adjudicateur en cause excluait, en tout état de cause, que ce pouvoir adjudicateur puisse exercer sur cette société un contrôle analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services (CJUE, 11 janvier 2005 Stadt Halle, Aff. C-26/03 point 49, CJUE, 21 juillet 2005, CONAME, Aff. C-231/03, pt. 31 ; CJCE, 6 avril 2006, ANAV, Aff. C-410/04, pt. 30-31). La Cour de justice a également précisé que l’attribution directe d’un contrat à une association d’utilité publique sans but lucratif qui, lors de l’attribution du marché, comptait parmi ses sociétaires des entités relevant du secteur public ainsi que des institutions privées de solidarité sociale exerçant des activités sans but lucratif, faisait obstacle à ce que le critère du contrôle analogue soit rempli. Une situation de quasi-régie ne peut ainsi être reconnue, dès lors que cet organisme poursuit des intérêts et des finalités qui sont d’une nature différente de celle des objectifs d’intérêt public poursuivis par les pouvoirs publics (CJUE, 19 juin 2014, Centro Hospitalar de Setubal EPE et SUCH, 29 3° des Art. L. 2511-1, L. 2511-2 et L. 2511-3 du code de la commande publique pour les marchés publics et 3° des Art L. 3211-1, L. 3211-2, L. 3211-3 du code de la commande publique pour les contrats de concession. 30 Cf. cons. 46 de la directive 2014/23/UE du 26 février 2014 sur l’attribution des contrats de concession, qui comporte la même précision. 31 Ce qui correspondrait aux situations présentées aux logigrammes n° 1 à 6 de la présente fiche technique, dans lesquelles la SEM serait le pouvoir adjudicateur de contrôle. 32 Voir également le focus sur le détournement de pouvoir dans les développements relatifs aux SPL et SPLA de la présente fiche. 33 CJUE, 10 septembre 2009, Sea Srl contre Commune Di Ponte Nossa, Aff. C-573/07, pts. 51 et 53. 34 Art. L 2511-1 du code de la commande publique pour les marchés publics et Art. L. 3211-1 du code de la commande publique pour les contrats de concession. Cf. hypothèse n° 1 du logigramme « les contrats de quasi-régie ». 35 1° de l’Art L. 2511-2 du code de la commande publique pour les marchés publics et 2° de l’Art. L. 3211-2 du code de la commande publique pour les contrats de concession. Il s’agit de la quasi-régie simple ascendante, cf. hypothèse n° 2 du logigramme « les contrats de quasi-régie ». 36 Dernier al de l’Art. L. 2511-1 du code de la commande publique pour les marchés publics et dernier al de l’Art L. 3211- 1 du code de la commande publique pour les contrats de concession. Il s’agit de la quasi-régie descendante en cascade, cf. hypothèse n° 3 du logigramme « les contrats de quasi-régie ». 37 Art. L. 2511-3 du code de la commande publique pour les marchés publics et Art. L. 3211-3 du code de la commande publique pour les contrats de concession. Il s’agit de la quasi-régie conjointe descendante, cf. hypothèse n° 4 du logigramme « les contrats de quasi-régie ». 38 1° de l’Art L. 2511-2 du code de la commande publique pour les marchés publics et 2° de l’Art. L. 3211-2 du code de la commande publique pour les contrats de concession. Il s’agit de la quasi-régie conjointe ascendante, cf. hypothèse n° 5 du logigramme « les contrats de quasi-régie ». 39 2° de l’Art L. 2511-2 du code de la commande publique pour les marchés publics et 2° de l’Art. L. 3211-2 du code de la commande publique pour les contrats de concession. Quasi-régie entre sœurs, cf. hypothèse n° 6 du logigramme « les contrats de quasi-régie ».

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