Liquidation et mise en concurrence… l’interprétation pragmatique des règles par la CJUE

Code : Commande Publique

Liquidation et mise en concurrence… l’interprétation pragmatique des règles par la CJUE

La CJUE, dans son arrêt du 3 février 2022, vient préciser les conditions d’absence de mise en concurrence en cas de succession partielle de titulaires d’un marché au motif de liquidation ou faillite. Ce faisant, elle vient éclairer par une interprétation pragmatique, les dispositions de la Directive et, par ricochet, celles du Code de la commande publique

■ ■ ■ Droit communautaire : succession universelle ou partielle – restructuration / liquidation / faillite. En général, la substitution d’un nouveau contractant à celui auquel le pouvoir adjudicateur avait initialement attribué le marché doit être considérée comme constituant un changement de l’un des termes essentiels du marché public concerné et, par suite, comme une modification substantielle du marché, qui doit donner lieu à une nouvelle procédure de passation portant sur le marché ainsi modifié, conformément aux principes de transparence et d’égalité de traitement qui sous-tendent l’obligation de concurrence entre les candidats potentiellement intéressés des différents États membres (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2008, pressetext Nachrichtenagentur, C‑454/06, EU:C:2008:351, points 40 et 47). Ce principe a été codifié à l’article 72, paragraphe 4, sous d), de la directive 2014/24.

À titre d’exception, l’article 72, paragraphe 1, sous d), ii), de ladite directive prévoit qu’un nouveau contractant peut, sans nouvelle procédure de passation de marché conformément à la même directive, remplacer celui auquel le pouvoir adjudicateur a initialement attribué le marché à la suite d’une succession universelle ou partielle du contractant initial, à la suite d’opérations de restructuration de société, notamment de rachat, de fusion, d’acquisition ou d’insolvabilité, assurée par un autre opérateur économique qui remplit les critères de sélection qualitative établis initialement, à condition que cela n’entraîne pas d’autres modifications substantielles du marché et ne vise pas à se soustraire à l’application de cette directive.

a. Les réorganisations internes du contractant initial sont susceptibles de constituer des modifications non substantielles des termes du marché public concerné qui n’imposent pas l’ouverture d’une nouvelle procédure de passation de marché public (CJUE 19 juin 2008, pressetext Nachrichtenagentur (C‑454/06).

b. La notion d’« insolvabilité », relevant de la notion d’« opérations de restructuration », englobe les modifications structurelles du contractant initial, notamment l’insolvabilité qui comprend la faillite aboutissant à la liquidation. Elle représente une circonstance extraordinaire empêchant d’exécuter le marché public en cause. En cas d’insolvabilité, l’entreprise ne continue pas nécessairement d’exister : elle peut certes continuer d’être exploitée dans sa totalité, mais elle peut aussi être dissoute et ses actifs vendus, le cas échéant, un par un. Dans ce dernier cas, un accord-cadre qui constitue un des actifs de l’entreprise peut être cédé isolément à un tiers, sans que celui‑ci ne reprenne aucun autre actif de cette entreprise.

La condition de succession universelle ou partielle du contractant initial à la suite d’une insolvabilité est remplie lorsque le nouveau contractant ne reprend que les droits et les obligations découlant de l’accord-cadre conclu avec le pouvoir adjudicateur et ne reprend pas tout ou partie de l’activité du contractant initial entrant dans le champ de cet accord-cadre, à la condition que le nouveau contractant remplisse les critères de sélection qualitative établis initialement.

Ainsi, un opérateur économique qui, à la suite de la mise en faillite du contractant initial ayant abouti à la liquidation de celui-ci, n’a repris que les droits et les obligations de ce dernier découlant d’un accord-cadre conclu avec un pouvoir adjudicateur doit être regardé comme ayant succédé à titre partiel à ce contractant initial, à la suite d’opérations de restructuration de société, au sens de cette disposition (CJUE, 3 février 2022, C‑461/20– ccl. M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE).