Droit exclusif – exclusions (L2512-4 )

Code : Commande Publique

EXCLUSIONS – DROIT EXCLUSIF

Article L2512-4
Créé par Ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 – art.

Sont soumis aux règles définies au titre II les marchés publics de services conclus avec un acheteur soumis à la présente partie lorsque celui-ci bénéficie, en vertu d’une disposition légalement prise, d’un droit exclusif, à condition que cette disposition soit compatible avec le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

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DAJ 2016 – LES EXCLUSIONS DE L’ARTICLE 14 DE L’ORDONNANCE RELATIVE AUX MARCHÉS PUBLICS APPLICABLES AUX POUVOIRS ADJUDICATEURS

Le 1° de l’article 14 de l’ordonnance exclut de son champ d’application les marchés publics de services conclus avec un acheteur soumis à l’ordonnance lorsque ce dernier bénéficie, en vertu d’une décision légalement prise, d’un droit exclusif, à condition que cette disposition soit compatible avec le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Le droit exclusif se définit comme la situation dans laquelle le cocontractant d’un acheteur se voit confier, par un acte législatif ou règlementaire, l’exercice d’une mission d’intérêt général. Ce droit a donc pour effet de réserver à cette personne l’exercice de l’activité en cause1 .

Attention ! Les notions de droits spéciaux et de droits exclusifs ne se confondent pas2 .

A la différence du droit exclusif où un acte de puissance publique a entendu réserver l’exercice d’une activité à une personne déterminée, le droit spécial est octroyé à plusieurs opérateurs. Cette exception, cantonnée aux marchés publics de services, oblige l’acheteur à s’adresser directement, c’est-à-dire sans formalité de publicité ou de mise en concurrence, au bénéficiaire du droit exclusif aux fins d’exécuter une prestation de service3 . Si elle est admise par l’ordonnance, cette exception est néanmoins strictement encadrée4 .

Fondement de la disposition instituant un droit exclusif. L’application du droit de la commande publique ne peut être écartée que si le droit exclusif dont bénéficie le prestataire découle d’une disposition légalement prise. Le droit exclusif résulte nécessairement d’un texte législatif ou règlementaire5 . Le texte, lorsqu’il attribue le droit, définit la mission d’intérêt général confiée au cocontractant et précise les obligations qui lui sont imposées. Le contenu, la durée et les limites de l’activité doivent également être précisément définis. Le droit exclusif doit être antérieur au marché6 . Il ne peut être accordé simultanément, c’est-à-dire par le contrat lui-même7 . Ex: Un droit exclusif peut être octroyé par une disposition législative. L’Agence nationale des chèques vacances (ANCV) bénéficie, sur le fondement d’une disposition légalement prise (article L. 411-13 du code du tourisme), du droit exclusif d’émission des chèques vacances.

Identité de la personne qui attribue le droit exclusif. Ni le droit de l’Union européenne ni le 1° de l’article 14 de l’ordonnance ne mentionnent l’autorité compétente pour l’octroi d’un droit exclusif. Pour autant, la circonstance que le droit exclusif découle d’une décision légalement prise suffit à démontrer que seules les autorités publiques disposant du pouvoir législatif ou règlementaire sont compétentes pour octroyer de tels droits. Rien ne s’oppose à ce que le droit exclusif soit conféré par le pouvoir adjudicateur qui passe ensuite le contrat8 .

Identité de la personne attributaire du droit exclusif. Le cocontractant du pouvoir adjudicateur passant le marché doit lui-même avoir la qualité d’acheteur soumis à l’ordonnance9 .

Régularité du droit exclusif avec le traité européen10. Le droit exclusif doit être régulièrement institué au regard du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Les conditions de validité d’un droit exclusif sont les suivantes :
– il doit être nécessaire et proportionné à l’exercice d’une mission d’intérêt général confiée au contractant ;
– lorsque sont en cause des services d’intérêt économique général (SIEG), c’est-à-dire des activités de service marchand remplissant des missions d’intérêt général et soumises, de ce fait, par les Etats membres à des obligations spécifiques de service public, le droit exclusif est justifié si, en son absence, son bénéficiaire ne serait pas en mesure d’accomplir la mission particulière qui lui a été confiée ;
– conformément à l’article 106 du TFUE, le droit exclusif ne peut être accordé qu’à un organisme déterminé pour l’accomplissement d’une mission de SIEG justifiant l’exclusion ou la restriction de concurrence sur les marchés de services en question ;
– dans les autres cas, la dérogation à l’application des règles de libre concurrence, de libre prestation de services, de liberté d’établissement et de libre circulation des marchandises édictées par le TFUE doit être justifiée par une nécessité impérieuse d’intérêt général et à la double condition que les restrictions à ces règles soient propres à garantir l’objectif qu’elles visent et qu’elles n’aillent pas audelà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.

Ex : L’octroi d’un droit exclusif aux seules mutuelles d’agents publics n’est pas justifié par l’intérêt général. L’attribution de subventions accordées aux seules mutuelles constituées d’agents publics à l’exclusion de tout autre bénéficiaire a été considérée comme instituant une différence de traitement entre personnes placées dans la même situation non justifiée par l’intérêt général (CE, 26 septembre 2005, Mutuelle générale des services publics, n°262282).

L’octroi d’un droit exclusif ne doit pas non plus méconnaître le droit de la concurrence en conduisant son bénéficiaire à abuser systématiquement de la position dominante qui lui est conférée11.

1 CE, 26 janvier 2007, Syndicat professionnel de la géométrie, n° 276928. 2 CJUE, 19 mars 1991, France contre Commission, « Terminaux de Télécommunication », aff. C-202/88, points 32 et suivants. 3 CE, 3 mars 2006, Sté François-Charles Oberthur Fiduciaire, n°287960. 4 Voir fiche de la Commission européenne, Directives secteurs, Définition des droits exclusifs et spéciaux, CC/2004/33 FR du 18.6.2004. 5 Considérant n°30 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics 6 CE Assemblée, Union nationale des services publics industriels et commerciaux et autres, 5 mars 2003, n°233372,. 7 Conclusions H. Savoie sous CE, 20 mai 1998, Communauté de communes de Piémont-de-Barr, n°188239. 8 CE, Assemblée, 5 mars 2003, n°233372, précité. 9 Voir également les articles 15 et 16 de l’ordonnance. 10 SGAE, Guide relatif à la gestion des services d’intérêt économique général, Annexe 7, p. 34. 11 CE, 30 avril 2003, Institut national de recherches archéologiques, n° 244139.