L’adaptation des marchés à la crise selon le Conseil d’Etat : les modifications de durée et de montants
Le Conseil d’État a rendu son avis tant attendu quant à l’interprétation à retenir sur la possibilité de modifier le prix ou la durée d’un contrat de la commande publique en cours d’exécution (CE, 15 septembre 2022, n°405540). La Direction des affaires juridiques de Bercy lui emboîte le pas en commentant précisément l’avis sur chacun de ses points. L’ensemble des articles de la base CCP est à jour de ces précieux enseignements
La très forte hausse des prix et composants et les difficultés d’approvisionnement pour certaines matières premières, consécutives notamment à la relance économique après la crise du covid-19 puis à la guerre en Ukraine, ont entraîné un renchérissement important des coûts de production, ce qui a engendré des difficultés d’exécution des contrats de la commande publique, au regard notamment de leurs clauses financières. Dans ce contexte, et alors que, d’une part, ni les directives européennes de 2014 relatives aux marchés publics et aux contrats de concession, ni leur transposition puis leur codification en droit interne n’ont précisé le champ des modifications rendues possibles en cas de circonstances imprévisibles, et que, d’autre part, aucune jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) ou du Conseil d’État n’a été rendue sur ce point depuis l’entrée en vigueur de ces textes, le Gouvernement a interrogé le Conseil d’État sur les possibilités offertes par le droit de la commande publique pour modifier les conditions financières et la durée des contrats de la commande publique pour faire face à des circonstances imprévisibles, ainsi que leur articulation avec la théorie de l’imprévision. Dans son avis d’Assemblée générale du 15 septembre 2022, le Conseil d’État admet que les parties à un contrat de la commande publique puissent, dans certaines conditions et limites, procéder à une modification des clauses financières pour faire face à des circonstances imprévisibles et rappelle que le cocontractant a également droit à une indemnité sur le fondement de la théorie de l’imprévision.
Les parties peuvent convenir, pour faire face à une circonstance imprévisible, d’une modification des conditions financières ou de la durée des contrats de la commande publique dans les hypothèses, conditions et limites prévues par le droit de la commande publique.
Le Conseil d’État a précisé que si le prix contractualisé ne peut, en principe, être modifié, ce principe n’est pas absolu et connaît des exceptions.
Les modifications pour circonstances imprévisibles sur le fondement des articles R. 2194-5 et R. 3135-5 du code de la commande publique :
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- La modification doit être justifiée par des circonstances imprévisibles dont les conséquences onéreuses excèdent ce qui pouvait être raisonnablement prévu par les parties
- La modification doit être limitée à ce qui est nécessaire pour faire face aux circonstances imprévisibles
- Le montant de la modification pour circonstances imprévisibles ne peut excéder 50 % de la valeur du contrat initial pour les contrats passés par les pouvoirs adjudicateurs
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Les modifications de faible montant sur le fondement des articles R. 2194-8 et R. 3135-8
Selon Conseil d’État, « les parties sont libres de procéder, si elles le souhaitent d’un commun accord, à la compensation de toute perte subie par le cocontractant même si cette perte ne suffit pas à caractériser une dégradation significative de l’équilibre économique du contrat initial
Les modifications non substantielles sur le fondement des articles R. 2194-7 et R. 3135-7 du code de la commande publique
Selon le Conseil d’Etat, « les modifications non substantielles du contrat mises en œuvre sur le fondement des dispositions des articles R. 2194-7 et R. 3135-7 du code de la commande publique ne comportent pas de limite en montant, mais ne sauraient permettre aux parties de modifier l’objet du contrat ou de faire évoluer en faveur de l’entrepreneur, d’une manière qui n’était pas prévue dans le contrat initial, son équilibre économique tel qu’il résulte de ses éléments essentiels, comme la durée, le volume des investissements, les prix ou les tarifs ».
Il ajoute « que les modifications rendues nécessaires par des circonstances imprévisibles, même lorsqu’elles ne sont pas substantielles, sont régies par les dispositions des articles R. 2194-5 et R. 3135-5 du code, qui soumettent, lorsque le contrat est conclu par un pouvoir adjudicateur, le montant de chaque modification à un plafond de 50 % du montant du marché initial »
L’indemnisation sur le fondement de la théorie de l’imprévision constitue un droit pour le titulaire et peut se combiner avec une modification du contrat si cette dernière n’a pas été de nature à résorber la totalité du préjudice d’imprévision subi par le titulaire
La circonstance imprévisible peut provoquer un bouleversement temporaire de l’économie du contrat de nature à ouvrir droit à une indemnité d’imprévision pour le titulaire.