Prise illégale d’intérêts

Code : Commande Publique

La prise illégale d’intérêt, qui a succédé à l’ancien “ délit d’ingérence ” depuis le 1er mars 1994, est définie à l’article 432-12 du code pénal. Ce délit sanctionne le fait pour un agent disposant d’une quelconque autorité de tirer un intérêt d’une entreprise dont il a la charge. En d’autres termes, il s’agit bien d’user de ses fonctions administratives pour tirer un avantage pour autrui ou pour soi.

Ce délit a pour but d’éviter qu’une personne chargée d’une fonction publique ne s’en serve dans son intérêt personnel ou puisse seulement être soupçonné de ne pas en user conformément à l’intérêt général. Comme l’indiquait le conseiller d’Etat rapportant devant le corps législatif, le 6 février 1810, les dispositions relatives au délit d’ingérence, « la considération qui environne les fonctionnaires naît principalement de la confiance qu’ils inspirent et tout ce qui peut altérer cette confiance ou dégrader leur caractère doit leur être interdit ».

L’article 432-12 du Code pénal qui définit le délit de prise illégale d’intérêts a été modifié par l’article 15 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire en supprimant la notion d’intérêt « quelconque » dans une entreprise ou une opération pour recentrer l’intérêt condamnable sur celui qui est de nature à compromettre l’impartialité, l’indépendance ou l’objectivité de la personne.

Code pénal

Article 432-12

Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction.

Toutefois, dans les communes comptant 3 500 habitants au plus, les maires, adjoints ou conseillers municipaux délégués ou agissant en remplacement du maire peuvent chacun traiter avec la commune dont ils sont élus pour le transfert de biens mobiliers ou immobiliers ou la fourniture de services dans la limite d’un montant annuel fixé à 16 000 euros.

En outre, dans ces communes, les maires, adjoints ou conseillers municipaux délégués ou agissant en remplacement du maire peuvent acquérir une parcelle d’un lotissement communal pour y édifier leur habitation personnelle ou conclure des baux d’habitation avec la commune pour leur propre logement. Ces actes doivent être autorisés, après estimation des biens concernés par le service des domaines, par une délibération motivée du conseil municipal.

Dans les mêmes communes, les mêmes élus peuvent acquérir un bien appartenant à la commune pour la création ou le développement de leur activité professionnelle. Le prix ne peut être inférieur à l’évaluation du service des domaines. L’acte doit être autorisé, quelle que soit la valeur des biens concernés, par une délibération motivée du conseil municipal.

Pour l’application des trois alinéas qui précèdent, la commune est représentée dans les conditions prévues par l’article L. 2122-26 du code général des collectivités territoriales et le maire, l’adjoint ou le conseiller municipal intéressé doit s’abstenir de participer à la délibération du conseil municipal relative à la conclusion ou à l’approbation du contrat. En outre, par dérogation au deuxième alinéa de l’article L. 2121-18 du code général des collectivités territoriales, le conseil municipal ne peut décider de se réunir à huis clos.

 

Précédente rédaction

Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction.

Toutefois, dans les communes comptant 3 500 habitants au plus, les maires, adjoints ou conseillers municipaux délégués ou agissant en remplacement du maire peuvent chacun traiter avec la commune dont ils sont élus pour le transfert de biens mobiliers ou immobiliers ou la fourniture de services dans la limite d’un montant annuel fixé à 16 000 euros.

En outre, dans ces communes, les maires, adjoints ou conseillers municipaux délégués ou agissant en remplacement du maire peuvent acquérir une parcelle d’un lotissement communal pour y édifier leur habitation personnelle ou conclure des baux d’habitation avec la commune pour leur propre logement. Ces actes doivent être autorisés, après estimation des biens concernés par le service des domaines, par une délibération motivée du conseil municipal.

Dans les mêmes communes, les mêmes élus peuvent acquérir un bien appartenant à la commune pour la création ou le développement de leur activité professionnelle. Le prix ne peut être inférieur à l’évaluation du service des domaines. L’acte doit être autorisé, quelle que soit la valeur des biens concernés, par une délibération motivée du conseil municipal.

Pour l’application des trois alinéas qui précèdent, la commune est représentée dans les conditions prévues par l’article L. 2122-26 du code général des collectivités territoriales et le maire, l’adjoint ou le conseiller municipal intéressé doit s’abstenir de participer à la délibération du conseil municipal relative à la conclusion ou à l’approbation du contrat. En outre, par dérogation au deuxième alinéa de l’article L. 2121-18 du code général des collectivités territoriales, le conseil municipal ne peut décider de se réunir à huis clos.

Article 432-13
Modifié par LOI n°2017-55 du 20 janvier 2017 – art. 50

Est puni de trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 200 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction, le fait, par une personne ayant été chargée, en tant que membre du Gouvernement, membre d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante, titulaire d’une fonction exécutive locale, fonctionnaire, militaire ou agent d’une administration publique, dans le cadre des fonctions qu’elle a effectivement exercées, soit d’assurer la surveillance ou le contrôle d’une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec une entreprise privée ou de formuler un avis sur de tels contrats, soit de proposer directement à l’autorité compétente des décisions relatives à des opérations réalisées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles décisions, de prendre ou de recevoir une participation par travail, conseil ou capitaux dans l’une de ces entreprises avant l’expiration d’un délai de trois ans suivant la cessation de ces fonctions.

Est punie des mêmes peines toute participation par travail, conseil ou capitaux dans une entreprise privée qui possède au moins 30 % de capital commun ou a conclu un contrat comportant une exclusivité de droit ou de fait avec l’une des entreprises mentionnées au premier alinéa.

Pour l’application des deux premiers alinéas, est assimilée à une entreprise privée toute entreprise publique exerçant son activité dans un secteur concurrentiel et conformément aux règles du droit privé.

Ces dispositions sont applicables aux agents des établissements publics, des entreprises publiques, des sociétés d’économie mixte dans lesquelles l’Etat ou les collectivités publiques détiennent directement ou indirectement plus de 50 % du capital et des exploitants publics prévus par la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et à France Télécom.

L’infraction n’est pas constituée par la seule participation au capital de sociétés cotées en bourse ou lorsque les capitaux sont reçus par dévolution successorale.

 

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Elément personnel

Personnes concernées

Le maire n’est pas le seul à pouvoir être poursuivi pour cette infraction. D’autres personnes peuvent être amenées à en répondre, notamment :

– les adjoints ou les conseillers municipaux agissant en tant que suppléant du maire, ou dans le cadre de leur délégation de fonction, ou pour des affaires les intéressant personnellement,

– les fonctionnaires communaux, à condition qu’ils aient participé à la préparation de l’acte en cause,

– les proches et les membres de la famille de l’élu, au titre de complices de la prise illégale d’intérêt (NB : attention, le complice de l’infraction est sanctionné par les mêmes peines que l’auteur de l’infraction. C’est ce que prévoit l’article L. 121-6 du nouveau code pénal : « Sera puni comme auteur le complice de l’infraction au sens de l’article L. 121-7 »).

Il est à noter que ce sont le maire et le premier adjoint qui sont le plus étroitement surveillés par les tribunaux. Ainsi, le maire ne peut s’exonérer de sa responsabilité même s’il a accordé des délégations à ses adjoints.

■ ■ ■ Personne dépositaire de l’autorité publique. La notion de personne dépositaire de l’autorité publique vise l’ensemble des représentants ou agents des personnes publiques, fonctionnaires proprement dits ou agents contractuels (cf. par exemple s’agissant d’un ingénieur mis à la disposition de l’ANVAR : Cass. crim. 27 février 2002, no 01-86.024  , Lopez, : Bull. crim. no 48 ; JCP 2002. IV. 1747).

Pouvoirs ou compétences nécessaires

■ ■ ■ Notion de « surveillance ». Cette notion fait référence à la détention, par l’intéressé, d’attributions personnelles correspondant soit à des compétences proprement dites, soit à des attributions lui permettant d’agir, à un moment donné ou à un autre, sur le processus menant à la décision contestée. Autrement dit, la surveillance ou l’administration d’une affaire implique un pouvoir de décision sur cette affaire ou, à tout le moins, un pouvoir d’influer sur le contenu de ladite décision.

Selon le juge pénal, de “ simples pouvoirs de préparation ou de proposition de décisions prises par d’autres ” permettent de considérer qu’il y a eu effectivement administration ou surveillance de l’affaire (cf. Cour de cassation, Ch. crim., 7 octobre 1976, “Planchet” ; Cass. Crim, 14 déc. 2005, n° 05-83898).

Elément matériel

D’une manière générale, pour que le délit de prise illégale d’intérêt soit constitué deux conditions doivent être remplies : l’élu doit avoir au moment de l’acte, la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement de l’affaire dans laquelle il a pris intérêt.

(La surveillance comprend des attributions telles que les missions de préparation, de proposition, de présentation de rapports ou d’avis en vue de la prise de décisions par d’autres personnes).

L’intérêt dans l’opération considérée

Nouvelle rédaction de l’article 432-12 par l’article 15 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire : l’intérêt condamnable vise désormais celui qui est de nature à compromettre l’impartialité, l’indépendance ou l’objectivité de la personne.

La notion d’intérêt était précédemment plus vaste : il peut être constitué par la perception directe ou indirecte de bénéfices, ou d’avantages pécuniaires ou matériels. Mais l’intérêt peut aussi être d’ordre politique, moral ou affectif. Ainsi que l’affirmait pour la première fois expressément la Cour de Cassation, le délit prévu par l’article 175 ancien, repris à l’article 432-12 du Code pénal, est caractérisé par la prise d’un intérêt matériel ou moral direct ou indirect (Cass. 5 novembre 1998, Bull. n° 289).

■ ■ ■ Intérêt patrimonial. Maire qui s’associe avec deux autres personnes à l’effet d’exploiter, en vertu d’une concession, des sources d’eau chaude propriété de la commune (Cass. crim. 5 juin 1890, Pagez, précité) ; adjoint passant un marché et prenant part à une adjudication en vue de fournitures de vin à l’hospice de la commune (Cass. crim. 15 décembre 1905, Lanoix et, sur renvoi, Nancy, 22 février 1906, Lanoix, précités ci-dessus no 53).

■ ■ ■ Intérêt moral. Un intérêt simplement moral constitue l’intérêt dont la prise, la réception ou la conservation est interdite.

La Chambre criminelle a par exemple considéré que le délit d’ingérence était caractérisé à l’encontre d’un maire qui avait signé deux contrats (rénovation d’une école, concession de panneaux publicitaires) avec une société dont les associés n’étaient que des prête-nom de son fils, lui même membre de son cabinet. Le maire n’avait pas d’autre intérêt dans l’affaire que celui de fournir du travail à la société dans laquelle son fils avait, lui, des intérêts patrimoniaux. (Cass., 20 février 1995, pourvoi n° N 94-81.186).

Il le sera aussi quand le bénéficiaire de la décision sera le concubin d’un enfant (situation soumise au tribunal correctionnel de Draguignan, qui, par jugement du 22 décembre 1997, a retenu le délit), mais encore quand le bénéficiaire sera par exemple un ami ou une connaissance, de sorte que les limites de l’incrimination seront indéfiniment repoussées.

■ ■ ■ Intérêt indirecte par interposition de personnes physiques. lorsqu’un maire livre des fournitures à une commune en faisant établir les mandats de paiement au nom d’un prête-nom (Cass. crim. 10 avril 1897, Mauguin : Bull. crim. 139) ; lorsqu’un maire achète des matériaux usagés à une commune par l’intermédiaire de son frère (Poitiers, 23 mai 1952, Brandeau : D. 1952, 501).

■ ■ ■ Intérêt par interposition de personnes morales. Dans le cas où c’est apparemment une société qui traite avec la collectivité publique, mais alors que des liens existent entre l’agent poursuivi et cette société, le juge recherche quel est le rôle réel de l’agent au sein de la société en cause.

On peut relever aussi des montages plus complexes, avec plusieurs personnes morales et/ou sous-traitance : travaux confiés par le conseil municipal sous la présidence du maire à une société sous-traitant en partie à une autre société dont le maire était le gérant (Cass. crim. 4 juin 1996, no 94-84.405, Gartiser) ; maire et président d’un syndicat de communes qui crée une société à laquelle il fait acheter par le syndicat et la commune des voitures et des matériaux, et par le titulaire d’un marché de travaux effectués par le syndicat les fournitures nécessaires à l’exécution de ce marché (Cass. crim. 2 novembre 1961, Jean-Joseph, Bull. crim. 438 ; JCP 1961. IV. 169)

■ ■ ■ Convergence d’intérêts. L’article 432-12 du code pénal, relatif à la prise illégale d’intérêts n’exige pas que l’intérêt pris par le prévenu, Claude X… alors maire, soit en contradiction avec l’intérêt communal – Le prévenu avait présidé la séance du conseil municipal du 1er juillet 2003 et participé au vote, alors que cette séance portait sur une affaire dans laquelle il avait un intérêt direct, compte tenu de l’implantation de sa propriété par rapport aux travaux envisagés et de l’augmentation de celle-ci qui allait en résulter. Les juges avaient relevé qu’un accord verbal avait été passé entre le prévenu et le dirigeant de la société Allobroges Habitat, avant ladite délibération, aux termes duquel les reliquats de parcelles non utilisés seraient revendus à Claude X… sous réserve que la société en devienne officiellement propriétaire (Cass.crim, 19 mars 2008, no 07-84288).

■ ■ ■ Renonciation à l’intérêt. Le fait même de signer un marché ou de participer à son attribution constitue la prise d’intérêt punissable, indépendamment de toute exécution du contrat ; une renonciation au contrat, même avant toute exécution, est donc sans effet sur l’existence du délit, qui est d’ores et déjà consommé ; la non-exécution ou la renonciation ne peuvent constituer, éventuellement, que des circonstances atténuantes (Nancy, 22 février 1906, Lanoix, précité)

■ ■ ■ Appréciation large de l’intérêt. Une relation amicale de longue date entre le rédacteur d’un rapport d’analyse des offres et un candidats peut constituer une prise illégale d’intérêt. En l’espèce, condamnation à 1 an avec sursis et 10 000 € d’amende pour un agent d’un cabinet municipal ayant rédigé un rapport d’analyse des offres attribuant à l’entreprise d’une de ses relations amicales (Chambre Criminelle de la Cour de Cassation 13/01/2016 n°14-88382).

Toutefois la tendance du Conseil d’Etat est désormais d’aller au delà de la simple présomption de relation en cas de fonctions antérieures : « ni la circonstance que le maire du Pradet, au demeurant également administrateur de la SAGEP, ait antérieurement siégé au conseil d’administration de la société VAD en qualité de représentant de la métropole de Toulon, ni celle qu’il a, lors du conseil d’administration de la SAGEP tenu le 12 mai 2021, critiqué l’introduction de la présente demande en référé pour le retard qu’elle causerait à l’opération envisagée par la commune, ne sont, à elles seules, susceptibles de faire naître en l’espèce un doute légitime sur l’impartialité du pouvoir adjudicateur » (CE, 20 octobre 2021, Commune du Pradet, n°453653).

Le cas des élus locaux chefs d’entreprise

« la participation d’un conseiller d’une collectivité territoriale à un organe délibérant de celle-ci, lorsque la délibération porte sur une affaire dans laquelle il a un intérêt, vaut surveillance ou administration de l’opération au sens de l’article 432-12 du Code (pénal) » (Cass., Crim., 19 mai 1999, Bull. n° 101).

■ ■ ■ L’absence d’interdiction formelle pour un chef d’entreprise de devenir maire, maire-adjoint ou conseiller municipal. Aucune disposition du code général des collectivités territoriales ou du code électoral ne prévoit d’incompatibilité entre la fonction de chef d’entreprise et celle d’élu communal. De même, aucune mesure d’inéligibilité ne frappe un chef d’entreprise en raison de sa seule qualité.

Ceci ne suffit pas à faire des chefs d’entreprises des élus locaux “ comme les autres ”. En effet, ils s’exposent à certains risques, et doivent adapter leur action au sein du conseil municipal en conséquence.

■ ■ ■ Les risques auxquels s’exposent les chefs d’entreprises, élus locaux. Les chefs d’entreprise, élus locaux, risquent plus que les autres élus locaux de tomber sous le coup du délit de prise illégale d’intérêt, voir de favoritisme.

– La prise illégale d’intérêt

Aux termes de cet article, les chefs d’entreprise, élus locaux, doivent veiller à ne pas avoir, au cours de leur mandat, à diriger ou contrôler une opération (d’urbanisme, ou un contrat commercial, ou une délégation de service public, notamment) qui intéresserait leur propre entreprise.

L’article 423-12 du code pénal prévoit des aménagements pour les petites communes. Dans les communes comptant 3 500 habitants au plus, des relations contractuelles peuvent être engagées entre la commune et ses élus. En effet de nombreux élus sont artisans, commerçants, entrepreneurs, et il serait préjudiciable, tant pour la commune que pour l’élu d’interdire toute transaction. Sont donc autorisées :

– le transfert de biens mobiliers ou immobiliers pour un montant annuel fixé à 16 000 euros ;

– la fourniture de services dans la limite d’un montant annuel fixé à 16 000 euros ;

– l’acquisition d’une parcelle de lotissement communal pour édifier l’habitation personnelle de l’élu, ou pour signer un bail d’habitation avec la commune permettant de loger personnellement l’élu ;

– et l’acquisition d’un bien appartenant à la commune pour créer ou développer une activité professionnelle de l’élu, l’opération devant être autorisée par le conseil municipal et le prix ne pouvant être inférieur à celui qui a été fixé par les Domaines.

Dans tous les cas dérogatoires, le code pénal précise cependant que l’élu concerné doit s’abstenir de participer à la délibération du conseil municipal relative à la conclusion du contrat. Lorsque c’est le maire qui bénéficie de l’unes des dérogations, le conseil doit désigner l’un de ses membres pour représenter la commune dans l’acte à conclure. La délibération doit se tenir publiquement, le huis clos ayant été expressément écarté.

Rappelons que toute personne qui se trouve lésée par un acte d’un élu peut se constituer partie civile devant le juge d’instruction et mettre ainsi en mouvement l’action publique, dès lors qu’un préjudice personnel et direct est causé par l’infraction. De plus, la jurisprudence a dégagé une interprétation très stricte de l’application des articles du code pénal, y compris des aménagements prévus pour les petites communes.

■ ■ ■ Exemple. Le fait, pour un adjoint au maire, de participer à une délibération du conseil municipal de la ville l’autorisant à percevoir, sur le fondement de l’article 42, alinéa 2, de la loi du 6 février 1992, une rémunération de la part d’une société d’économie mixte dont il était directeur général, suffisait à constituer le délit de prise illégale d’intérêts. La Cour a relevé qu’il importait peu que la délibération n’eut pas été déclarée nulle, faute d’avoir été déférée devant la juridiction administrative (Cass. Crim., 8 juin 1999, n° 2592).

■ ■ ■ SEM. Question écrite AN n° 2910 sur la prise illégale d’intérêts et son champ d’application – 9 février 2009 (Un élu d’une commune au sein du conseil d’administration d’une SEM locale encourt-il un risque de qualification de prise illégale d’intérêt même en l’absence d’intérêt personnel au profit du conseil municipal en cause ?)

■ ■ ■ A rapprocher du pantouflage. L’article 432-13 du Code pénal qui incrimine la prise d’intérêts par un ancien fonctionnaire ou une personne assimilée, plus connue sous le nom de « pantouflage », prévoit que le simple fait d’avoir exprimé un avis sur une opération effectuée par une entreprise privée, interdit à ce fonctionnaire de prendre un intérêt dans cette entreprise dans les 5 ans suivant la cessation de ses fonctions. Si le délit peut être imputé à un ancien fonctionnaire en considération du fait qu’il a, du temps où il exerçait ses fonctions, exprimé un avis sur une opération, la logique impose que l’infraction prévue par l’article 432-12 puisse être retenue à l’encontre de la personne qui participe à une décision collégiale durant le temps où elle exerce ses fonctions publiques.

■ ■ ■ Siège au CA via mandat. La tendance du Conseil d’Etat est désormais d’aller au delà de la simple présomption de relation en cas de fonctions antérieures : « ni la circonstance que le maire du Pradet, au demeurant également administrateur de la SAGEP, ait antérieurement siégé au conseil d’administration de la société VAD en qualité de représentant de la métropole de Toulon, ni celle qu’il a, lors du conseil d’administration de la SAGEP tenu le 12 mai 2021, critiqué l’introduction de la présente demande en référé pour le retard qu’elle causerait à l’opération envisagée par la commune, ne sont, à elles seules, susceptibles de faire naître en l’espèce un doute légitime sur l’impartialité du pouvoir adjudicateur » (CE, 20 octobre 2021, Commune du Pradet, n°453653).

Le cas de l’élu responsable d’une association

L’article L. 432-12 du nouveau code pénal qui définit la prise illégale d’intérêt, vise expressément le cas des entreprises. Qu’en est-il des associations ? Un élu, maire ou adjoint, président d’une association, commet-il un délit s’il participe au vote d’une subvention de sa collectivité au bénéfice de l’association ? Le délit de prise illégale d’intérêt suppose qu’il y ait surveillance de l’affaire et prise d’intérêt de la part de l’élu dans cette affaire. A priori, ces conditions ne semblent pas pouvoir être réunies dans le cas d’un élu qui prendrait part à une délibération octroyant une subvention à une association dont il est président, au moins lorsque celle-ci revêt un caractère non lucratif. En effet, la prise illégale d’intérêt implique qu’il y ait une « relation d’affaires » avec la collectivité, ce qui n’est pas le cas lorsqu’elle subventionne une association. En revanche, on peut penser qu’une association sous laquelle se cacheraient des activités de caractère commercial pourraient entrer dans le champ d’application de l’article L. 432-12. En revanche, une délibération qui octroierait une subvention à une association et à laquelle participerait l’élu responsable de l’association, tombera certainement sous le coup de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales, qui interdit aux conseillers municipaux de participer aux délibérations portant sur une affaire les intéressant personnellement ou comme mandataire. La notion de conseiller municipal intéressé suppose la réunion de deux conditions : le membre du conseil municipal doit avoir un intérêt personnel à l’affaire, et la participation du conseiller doit avoir une influence effective sur le résultat du vote. Par conséquent, il est conseillé à l’élu qui serait président d’une association, sinon de s’abstenir systématiquement de prendre part aux délibérations ayant une incidence pour l’association, tout au moins de quitter la salle au moment du vote lui allouant une subvention, afin que les conseillers municipaux ne soient pas influencés.

Cas du fonctionnaire détaché

L’article 432-13 permet de regarder comme contraire à la loi pénale la situation d’un fonctionnaire qui serait détaché, par une décision administrative, auprès d’une entreprise privée sur laquelle il assurait précédemment une fonction de contrôle ou de surveillance

Une jurisprudence sévère

La jurisprudence retient une définition très large de la notion de prise illégale d’intérêt. Elle considère que l’intérêt peut être constitué par la perception directe ou indirecte de bénéfices, ou d’avantages pécuniaires ou matériels. Mais l’intérêt peut être également d’ordre politique, moral ou affectif. De plus, sont considérées comme coupables de prise illégales d’intérêt les personnes qui n’ont eu qu’un simple pouvoir de préparation ou de proposition de décisions prises par d’autres, mais dont elles bénéficient, au sens de l’article 432‑12 du code pénal (Cour de Cassation, 7 octobre 1976, bull. crim. N° 285).

En outre, le juge estime que l’absence de contreparties financières n’est pas une cause d’exonération de la responsabilité de l’élu local (Cour de Cassation, 25 juin 1996, commune de Crozon).

Enfin, la Cour de Cassation a précisé qu’il n’est pas nécessaire d’être le chef de l’entreprise ou de la société qui bénéficie d’un contrat passé avec la mairie, pour se rendre coupable de prise illégale d’intérêt. Un simple employé d’une société, élu local, peut commettre cette infraction, qu’il puisse être qualifié de gérant de fait ou non (Cour de Cassation, 2 février 1998, bull. crim. n° 51)

Notons également que le maire ou le premier adjoint sont plus particulièrement surveillés par les tribunaux. Le maire ne peut ainsi s’exonérer de sa responsabilité même s’il a accordé des délégations à ses adjoints. La Cour de Cassation reconnaît dans ces cas-là l’ingérence (Cour de Cassation, 23 février 1966).

Enfin, il convient de préciser que la jurisprudence pénale exerce un contrôle très sévère des dérogations permises dans les petites communes. Ainsi le juge contrôle les opérations de sous-traitance qui pourraient permettre à un élu local d’obtenir par ce biais un contrat payé indirectement par la commune. Dans ce cas, le juge ne prend pas en compte le montant du contrat sous-traité à l’élu, qui peut être inférieur à 16 000 euros, et paraître ainsi légal, il prend en considération le montant total du contrat sur lequel portait la délibération du conseil municipal, requalifiant une opération de sous-traitance en prise illégale d’intérêt (Cour de Cassation, 4 juin 1996). De même, l’achat d’un bien dans un lotissement communal pour en faire la résidence principale de l’élu est très strictement contrôlé (TGI, 6 mars 1999).

« Ni le retrait au moment du vote au cours d’une commission d’appel d’offres qu’il préside, ni la délégation de signature donnée à un chef de service ne permettent au président d’un conseil général de s’exonérer dès lors qu’il a un intérêt quelconque en l’espèce un intérêt familial, dans une procédure de marchés publics » (Cour de Cassation, Ch.Crim., 9 février 2005, 03-85697, Jules Paul X)

Les précautions à prendre pour réduire ces risques

L’interprétation très stricte du code pénal par les juges et l’étendue de leur contrôle doit inciter les élus locaux qui sont chefs d’entreprises à prendre certaines précautions lorsque se nouent entre leur entreprise et leur commune des relations contractuelles.

En particulier, il convient de respecter les dispositions de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales qui prévoit que “ sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires ”.

La jurisprudence du Conseil d’Etat permet de préciser les conditions d’application de cet article :

– le conseiller concerné ne doit pas participer aux travaux préparatoires de la délibération intéressant sa société (CE, 28 juillet 1983, Commune d’Arcangues) ;

– le conseiller ne doit pas participer au vote qui concerne ses intérêts professionnels : Exemple : la présence d’un conseiller municipal, à la séance du conseil municipal au cours de laquelle le conseil a notamment décidé de lui céder une parcelle du domaine privé de la commune était de nature à exercer une influence sur le résultat du vote, auquel il a d’ailleurs pris part, sur une délibération à laquelle il était personnellement intéressé (Conseil d’Etat, 12 février 1986, no 45146, commune d’OTA). Dans certains cas, sa participation aux débats, voire sa seule présence, suffisent à entacher d’illégalité les délibérations du conseil municipal (CE, 27 juin 1997, M. Tassel et autres).

Sanctions encourues

Peine maximale de 5 ans d’emprisonnement, 75 000 € d’amende (art. L. 432-12). Dans certains cas, le juge peut prononcer des peines complémentaires, qui ne sont pas à négliger [art. L. 432-17 du nouveau code pénal : interdiction des droits civils, civiques et de famille ; interdiction temporaire ou définitive d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise ; confiscation des sommes ou objets irrégulièrement reçus ; affichage ou diffusion de la décision prononcée ; inéligibilité pendant une durée de cinq ans (art. L. 7 du code électoral)].

■ ■ ■ Engagement de la responsabilité de l’administration, sauf faute détachable du service. Le Conseil d’Etat n’a pas constaté de lien avec le service pour la faute personnelle du directeur du centre des relations humaines de l’armée de terre, consistant à attribuer à des entreprises avec lesquelles il était en relation des commandes sans respecter les règles de publicité et de mise en concurrence ni aucune règle de procédure imposée par le code des marchés publics, ce dernier ayant été également reconnu coupable d’une prise illégale d’intérêts par chargé de mission de service public dans une affaire qu’il administre ou qu’il surveille et, d’autre part, d’atteinte à la liberté d’accès ou à l’égalité des candidats dans les marchés publics. Il a jugé que ces faits étaient, de par leur gravité eu égard tant au caractère organisé et répété des manquements constatés qu’aux responsabilités exercées, constitutifs d’une faute personnelle détachable du service (CE 23 déc. 2009, Genin, req. n° 308160, AJDA 2010. 6 ; AJFP 2010. 199, note S. Niquège).

Tel n’est en revanche pas le cas de l’émission par un maire de certificats administratifs attestant faussement de la réalisation de travaux pour le compte de la commune, en vue d’un enrichissement personnel. La faute alors même que sa gravité lui conférerait le caractère d’une faute personnelle détachable du service, et qu’elle était qualifiable de faux en écriture, a été néanmoins considérée comme non dépourvue de tout lien avec celui-ci (CE 2 mars 2007, Banque française commerciale Océan indien c/ Commune de Saint-Paul, req. n° 283257)